Archives mensuelles: novembre 2019

H2

23 mars 2003

Bonsoir les amis,

Quelques lignes avant d’aller me coucher. Photo d’Hébron, encore. Grillage de partition entre H1 et H2. Soldats qui sans doute viennent de contrôler l’identité des hommes marchant en direction de cette grille, quotidiennement franchie lorsque le couvre feu n’est pas imposé, ce qui se fait de plus en plus rare… Par endroits les grillages sont remplacés par d’immenses blocs de ciments, par des fils de fer barbelés, des poubelles renversées, des tas de gravas. Parfois la frontière même est invisible et cependant connue, ressentie avec évidence. C’en est presque physique, comme si l’air se faisait plus rare, comme si le chant des oiseaux devenait inaudible. Tension palpable. H2 qui meurt en silence, qui explose cependant dans nos consciences lorsque simultanément explosent les bombes, meurent les soldats, les colons, les civils.

Hébron, petites histoires en vrac

Hébron, 5 mars 2003

Très chers,

J’avais commencé ce message il y a une heure, choisi un fond bleu, bleu comme le ciel d’aujourd’hui, un bleu printanier, une douceur retrouvée. Journée faite d’histoires denses, qui sont devenues si intensément part de mon quotidien, qu’il arrive qu’elles ne me choquent même plus.

Tant d’amour pour cette région, cet Hébron déchiré, fou; cette ville éclatée, écartelée. Terre alentours si belle, profondément troublante, ensorcelante. Vallonnements qui verts maintenant sont, moutons épars, vieux hommes, keffieh sur le crâne, grandes capes ou manteaux bruns sur leurs épaules, cheminant sur leurs ânes, le long de la route 60 qu’ils n’ont pas le droit d’emprunter, parce que c’est la route des colons, parce que c’est une route israélienne qui morcelle une terre palestinienne… Et passent les jeeps des soldats, et passent les tanks, et survolent les hélicos… Et passe le CICR, la petite déléguée qui tente de plonger son regard dans le vert, dans le bleu, dans les nuages bas, dans les fleurs; qui écoute le rire et les larmes de Dina, et qui parfois s’arrête.