Les sirènes de Bagdad
Les Sirènes de Bagdad, de Yasmina Khadra, livre qui hante, pendant, après la lecture. Mots qui s’accrochent, images qui s’imposent. Logiques, que l’auteur décortique, analyse, fait exploser, qui nous remettent en question, qui mettent en lumière des réalités que l’on occulte, plus ou moins volontairement, que l’on tait, parce que les admettre nous est insupportable.
Regards crus et implacables sur la manière dont la haine s’installe, entraînant un être que rien ne prédisposait à la violence dans la spirale de la destruction. Au nom d’une humiliation profonde, de l’honneur du père bafoué ; au nom d’un enfant qui tombe sous les balles, d’un mariage qui finit dans un bain de sang. Khadra ne légitime rien, ni n’excuse. Khadra regarde et nous fait regarder. Khadra nous laisse réfléchir… Certes la rhétorique nous broie, nous fait parfois manquer d’air, à l’image de Bagdad, qui nous coupe le souffle, à l’image des harangueurs, quelques soient leurs bords.
La violence et l’intolérance prennent différents visages. Il y a la violence de la guerre, de l’occupation. Il y a la violence aveugle, d’hommes qui ont peur, qui frappent pour ne pas être frappés, qui tirent contre ce/ceux qu’ils ne connaissent pas, ne comprennent pas. Il y a la violence, comme partie intégrante de la personnalité, qui cherche la moindre occasion pour s’exprimer. Il y a la violence des mots, le déni de l’autre, parce que l’on s’est senti bafoué, trahi, non reconnu. La haine de l’autre devient parfois la haine contre un peuple, devient aussi la haine contre son propre peuple.
Autopsie d’un parcours, ou comment la détestation, le fanatisme peut naître, cheminer, se nourrir, puis mourir. Mais, encore une fois, Khadra n’excuse rien, ne légitime pas. Un homme, des hommes, des choix. Livre bouleversant, qui met certes mal à l’aise, qui nous renvoi à nos propres mécanismes, avec des mots forts, et beaux, des mots chocs, comme des lames de couteaux, des mots de sable, de soleil, de vie qui s’arrête. Des mots plein de larmes, de rage, de questions. Écriture dense, rythmée, haletante.
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